« And I’m the world’s forgotten boy The one who’s searching, Searching to Destroy ! »

I. L’HOMME :

Auteur de plusieurs séries dont la plupart furent publiées chez nous, je vais vous présenter au travers son tout dernier manga Search and Destroy (édité chez Delcourt/Tonkam), le dessinateur et scénariste Atsushi Kaneko. Et autant vous dire que l’affection que j’ai pour lui est démesurée. Ce qualificatif étant clairement un doux euphémisme.

Talentueux et moult fois primé, le trait de Kaneko est loin des standards du manga et reconnaissable dès le premier coup d’oeil. Bien que son maître incontesté soit Suehiro Maruo (l’un des grands pontes du mouvement Ero-Guro) le contraste prononcé de ses planches, ses aplats de noirs ainsi que son cadrage ciselé, démontrent la forte influence que la bande-dessinée Nord-Américaine a eu sur lui. On lui donnera volontiers des airs de Charles BurnsDaniel Clowes.

En outre, il ne possède aucun assistant et est donc seul aux commandes de ces oeuvres qui suintent le Pulp, respirent le Grindhouse et dégoulinent de Punk !

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Parlons-en du Punk tiens ! La musique occupe une place très importante chez Atsushi Kaneko. Notamment les sous-genres qui gravitent autour du rock’n roll, style qu’il affectionne tout particulièrement. (Bien qu’il reconnaisse être on ne peut plus éclectique.) Tous ses mangas sont d’une certaine manière, plus ou moins liés à la musique. Il lui arrive d’ailleurs très régulièrement d’illustrer des pochettes d’albums ou bien d’apposer sa patte sur des affiches ou bien des flyers.

Sa carrière débute dans les années 90 et il ne s’est jamais arrêté depuis, le hissant au rang des auteurs les plus prolifiques. Il est à l’origine de titres tels que Bambi, Wet Moon, Soil, Search and Destroy dont il est question ici et dernièrement EVOL. Ce manga qui à ce jour est en court de publication au Japon doit d’ailleurs son nom à l’un des albums du groupe Sonic Youth. (Quand je vous dis que le monsieur est un gros mélomane je ne plaisante pas !) Aussi, j’ai eu la chance immense de le rencontrer et il m’a avoué ne jamais dessiner sans musique de fond, orientant souvent ses playlists en fonction des thèmes qu’abordent ses ouvrages.

Serait-ce le secret de sa folie artistique ?

Pas seulement, car le cinéma aussi fait partie intégrante de son ADN. La mise en scène et le découpage de ses ouvrages, respirent le 9ème art à plein nez. Comment ne pas penser à David Lynch avec le Twin Peakesque Soil, où bien à Russ Meyer et son Faster, Pussycat! Kill! Kill! qui plane au-dessus de Bambi ?

Il s’est d’ailleurs lui même essayé au cinéma en réalisant l’une des parties du film Rampo Noir. Je n’ai toujours pas eu la chance de voir ce segment mais je tâcherai de réparer cette erreur si je tombe un jour sur le dit-film. Les quelques extraits de story-board que j’ai pu voir n’ont de cesse de me faire saliver.

Sur ce modeste préambule, entrons dans le vif du sujet !

II. LA MACHINE : Search And Destroy

Search and Destroy est un remake de Dororo du grand Osamu Tezuka (Delcourt/Tonkam). Paru d’abord dans le magazine de prépublication Tezucomi en 2018, il faudra attendre avril 2019 pour que sorte au Japon le premier tome relié… Puis le 3 Février 2021 pour qu’il traverse les 9710km qui nous sépare pour arriver dans nos crémeries de quartier.

Kaneko ne s’est pas contenté d’en faire une simple « refonte » graphique, suivant le scénario original à la lettre.

Non !

Atsushi Kaneko fait du Atsushi Kaneko. A savoir, une oeuvre révoltée, déstructurée, cradingue et dotée d’un style qui vous happera dès les premières pages pour ne plus vous lâcher jusqu’à la quatrième de couverture. Et comme il le dit si bien :

« (Search and Destroy) C’est un peu comme si Nirvana, faisait une reprise des Beatles. » Une comparaison que je trouve on ne peut plus appropriée.

Search & Destroy - Manga série - Manga news

Si Dororo se passe durant l’époque Sengoku, dans Search and Destroy, l’aventure se déroule à Hachisuka, un ersatz de Metropolis de Fritz Lang, ensevelie sous un monticule de neige. Une mégalopole sombre et vertigineuse ou se cotoient humains, les Hu et machines, les Creech. Longtemps exploités, ces derniers sont aujourd’hui vérolés par un sentiment d’injustice, créant de fortes tensions entre les deux « espèces ».

Dans ce premier volume, nous faisons connaissance avec Doro, un orphelin sans-abri vivant de petits larcins. Alors qu’il se fait prendre la main dans le sac tandis qu’il tentait de sous-tirer les biens de la mafia locale, une mystérieuse jeune fille, Hyaku, débarque de nulle part et tue tout le monde sur son passage. Véritable machine a tuer, elle se lancera dans une mystérieuse quête, accompagné par le jeune Doro.

Mais d’où lui vient cette colère démesurée ? Et surtout, que recherche-t-elle ? Je vous laisse le soin de le découvrir par vous même.

Bambi and Her Pink Gun - Alchetron, The Free Social Encyclopedia

Avec Search and Destroy, Atsushi Kaneko poursuit paisiblement son « cycle de violence » qu’il avait quitté après Bambi pour des oeuvres plus oniriques, puis reprit quelques années plus tard avec Deathco. En outre, c’est à nouveau un personnage féminin qui est mit au devant de la scène. Ce qui fait de Search and Destroy, une oeuvre clairement ancrée dans son temps. L’héroïne est une femme forte, cruelle, sans pitié mais pleine de fêlures, dont vous pourrez suivre les périples sur une totalité de trois volumes, tous aussi explosifs les uns que les autres. Elle incarne d’une certaine manière toutes les héroïnes d’Atsushi Kaneko réuni en un seul personnage. Comme Bambi et Deathco, Hyaku est un camaïeu de haine et manie les armes comme pas deux. Aussi, comment ne pas penser à Bambi et Pampi lorsque le on voit le duo détonnant, qu’elle forme avec Doro ?

Autre détail, certes infime mais récurrent dans les oeuvres de Kaneko : le rapport douteux à l’hygiène corporelle qu’ont ses personnages. Bambi, Deathco et ici Hyaku sont des femmes qui ne s’incommodent pas de ces détails olfactifs, souvent dictés par notre société. Elles sont toutes les trois bestiales tant dans leurs actes que dans leur parfum.

III. CHERCHE… DETRUIS :

Les aficionados de Tezuka pourraient crier au scandale face à une telle prise de liberté mais je pense qu’il n’y a pas plus bel hommage qu’une réinterprétation qui s’affranchie de ses pères. Se saisir de l’essence sacrée de l’oeuvre originale afin d’en extraire un diamant brut qui sera taillé et serti selon la sensibilité de l’artiste.

On saluera enfin, l’excellente qualité d’édition de Delcourt/Tonkam qui à quelques détails près (couverture moins épaisse et couleurs moins flashy) se veut très fidèle à l’original.

Si vous ne connaissez pas Atsushi Kaneko, Search and Destroy est une parfaite porte d’entrée à son univers barré et so Punk Rock ! Alors dépêchez vous d’attraper une bonne bière dans votre frigo, de lancer une playlist dégoulinante d’overdrive et de vous lancer dans cette lecture survitaminée à base de S.F bien énervée. Et si vous souhaitez prolonger l’expérience, n’hésitez pas à vous ruer ses autres oeuvres encore éditées, telles que Wet Moon, Deathco ou bien le Lynchesque, Soil !

9 réflexions sur “« And I’m the world’s forgotten boy The one who’s searching, Searching to Destroy ! »

  1. Personnellement, je n’ai lu que Wet Moon de Kaneko, que j’ai beaucoup aimé.
    Et Search and Destroy fait partie des titres que j’ai très envie de lire à la fois pour découvrir davantage l’auteur et pour le fait de remaker Tezuka.
    Et ton avis me conforte totalement dans cette idée.

    Aimé par 1 personne

    1. J’ai hâte d’avoir ton avis sur ce manga 🙂
      C’est très différent de Wet Moon, mais tu y retrouves malgré tout cette folie et ce style qui sont propres à Kaneko. Je te conseille aussi, SOIL, qui se rapproche un peu plus de l’esprit de Wet Moon.

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