« Un crime peut être une oeuvre d’art et un détective un artiste. »

Parlons ici d’un manga passé complètement inaperçu (en dépit de son illustre scénariste) et parfois jugé un peu trop sévèrement à mon goût, j’ai nommé: 

Detective Ritual

by Eiji Otsuka (Mpd Psycho, Leviathan, Madara), dessiné par Ryusui Seiryoin, le tout, inspiré des romans de Chizu Hashii et sortit en France chez Pika Edition. (Mais malheureusement, plus édité.)


Si vous êtes familier avec les oeuvres d’Otsuka, vous ne tomberez pas des nues si je vous dis qu’ici nous avons à faire à du bizarre, de l’étrange et de l’abracadabrant ! Par contre petite précision qui a son importance. À l’inverse d’un Mpd Psycho ou d’un Kurosagi, la robinetterie d’hémoglobine n’est ouverte qu’à moitié. Les amateurs de corps démembrés et autres joyeusetés gores à souhaits, passez votre chemin ! La sobriété (fortement accentuée par un trait épuré et parfois enfantin) est ici de mise.

Mais sinon, Detective Ritual, de quoi ça parle ?


Ce manga est un thriller teinté de surnaturel qui se déroule en l’an 2290. Nous y suivons les aventures d’un groupe de détectives hauts en couleur, qui à l’aide de leurs pouvoirs respectifs tenteront tant bien que mal de résoudre des meurtres de masse.
Et quand je dis pouvoirs, c’est bien parce que dans Detective Ritual, les traces de spermes décelées aux ultra-violets, tout le monde s’en tamponne. Exit la police scientifique et faites place au mysticisme. On embrasse les cadavres, on se pends à une poutre ou on lit dans un livre de prédictions pour connaître l’identité du meurtrier.

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Le monde dans lequel se déroule le manga voue un véritable culte aux détectives. Ils sont hissé au rang de super-héros au point où de nombreux produits dérivés à leur effigie sont commercialisées et prisés par la population. Pour ceux ayant vu ou lu The Boys, c’est à peu près du même acabit. Ils passent régulièrement dans des talk shows et font parfois la une des revues spécialisées. De véritables stars en somme !

Leur arrivée à mit pas mal de flics sur le banc, devenant quasiment inutiles face à ces monstres de lucidité. Ils ne sont juste bons qu’à s’occuper du menu fretin. « Quasiment » car ils comptent dans leurs rangs, l’illustre et efficace inspecteur Sasayama (que l’on retrouve dans Kurosagi et Mpd Psycho) qui saura tirer son épingle du jeu de part une capacité d’analyse et de déduction impressionnante pour un simple policier .

Connus en tant que JDC (Japanese Detective Club), ces super détectives voient eux aussi leur carrière mise à mal par l’arrivée d’une toute nouvelle association de jeunes étudiants, le BDC (Bolunteer Detective Club) bien décidés à résoudre les affaires à leur manière. Leurs méthodes sont peu conventionnelles mais force est de constater que les résultats sont là !

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Parallèlement à cela, les membres du JDC reçoivent tour à tour des invitations, les conviant à un étrange rituel aux origines douteuses et aux lourdes conséquences.

Les personnages sont tantôt amnésiques, tantôt psychopathes et les têtes pensantes du pays et autres bureaucrates cachent de mystérieux secrets.

Au fil des pages, au fil des complots et des mystères, vous irez de surprises en surprises, comme dans un bon vieil Agatha Christie. Eiji Otsuka ne cessera d’amener le lecteur sur de fausses pistes, jusqu’aux révélations finales… Plutôt surprenantes, et inattendues ! 

Si ces quelques paragraphes vous semblent désordonnés, c’est qu’ils sont à l’image du manga qui est ô combien difficile à résumer. Les rebondissements s’enchaînent comme la prolifération du Covid19 et de surcroît, j’aurai trop peur d’en dire trop et de tomber dans un divulgachage en bonne et due forme. (oui, divulgachage. Au Hungry Bug on invente des mots.)

Le dessin quant à lui est, comme stipulé en préambule, plutôt enfantin. Les traits y sont fins et pleins de courbes, ce qui est surprenant pour un manga aussi noir. Et pourtant, ce coup de crayon s’y prête vraiment bien et contribue à sa manière à la bizarrerie du titre. Là ou comme ça, instinctivement, j’aurai plutôt vu Sho U Tajima aux commandes. Cependant, il est à noter que sur les derniers tomes, le dessin se dégrade quelque peu, comme si Hashii Chizu en avait ras-le-bol de son manga. Alors que d’accoutumée, c’est plutôt une progression et une affirmation du trait que l’on constate sur les volumes les plus récents d’une série.

Le syndrome Togashi peut-être ?

***

Vous avez du bien comprendre qu’avec Detective Ritual, il faut oublier tous les principes de conventionnalité. Ce récit qui m’a alpaguer des heures durant tiens de l’absurde le plus total… (surtout dans les deux derniers tomes) Et c’est ce qui en fait sa force. Eiji Otsuka est en roue libre et nous offre ainsi une oeuvre unique en son genre. Je me demandais parfois, au fil de ma lecture, s’il n’improvisait pas son scénario au fur et à mesure, tant les idées semblaient parfois fuser, sans queue ni tête. Si je devais comparer Detective Ritual à une production d’un tout autre domaine, ce serai le jeu-vidéo Killer7 de Suda 51. Barré, politisé et mystérieux. (Je vous invite vivement d’ailleurs à lire le manga avec la bande son du dit-jeu. Immersion garantie.)

Si vous avez lu MPD Psycho, le parallèle est indéniable. Car en sus du personnage de Sasayama, les easter eggs tombent comme la pluie… Il y en a à foison, créant un véritable SasayamaVerse. Mention spéciale à un (gros) clin d’oeil en particulier qui m’a carrément laissé sur le cul ! (si vous me permettez l’expression.) Rien cependant qui ne viendrait entacher l’expérience d’un lecteur n’ayant jamais lu MPD Psycho. C’est seulement un gros plus pour les fans de la première heure !

Detective Ritual est aussi un bel hommage au genre Policier ainsi qu’à ses auteurs. Le tout est superbement bien amené tout comme les références au folklore Japonais ainsi qu’au Christianisme.

Série relativement courte (6 volumes) elle ne connait aucun temps mort de ces premières pages jusqu’au dernières. L’on regrettera seulement que ce soit aussi bref justement ! Car il est déchirant de quitter des personnages si attachants au bout de quelques chapitres à peine. Je vous met au défi de ne pas vous prendre d’amour pour le trio du BDC: Garando Appare et ses deux acolytes. Il est cependant tout aussi frustrant de voir d’autres bêtes de charismes si peu développés. J’aurai adoré découvrir plus en profondeur certains personnages secondaires, via quelques flashbacks où évènements supplémentaires. (Je pense qu’un ou deux tomes de plus n’auraient pas été de trop.) Et pourquoi pas, creuser encore un peu cet univers si original.

Pour finir, si vous cherchez une oeuvre à part et que vous la croisez dans un bac d’occasion, n’hésitez pas une seule seconde. À la simple condition bien évidemment, d’accepter de suivre Eiji Otsuka dans son délire, sans vous poser de questions. Prenez cette main tendue vers vous et plongez dans cet inimitable univers. Croyez-moi, sans compter parmi ces mangas que l’on qualifierai d’inoubliables, l’expérience sera unique.

2 réflexions sur “« Un crime peut être une oeuvre d’art et un détective un artiste. »

    1. Je t’y invite vivement ! Il n’y a rien qui puisse te heurter à l’inverse de MPD Psycho qui va vraiment très très loin dans ses représentations graphiques.
      Merci pour le compliment en tout cas 🙂

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